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Retour sur la mouche noyée traditionnelle

Remerciements

 

Un grand merci à notre ami NORMAN, pour nous avoir dévoilé une partie de ses compétences sur cette technique de la mouche noyée, qu’il affectionne particulièrement et qui est ancrée dans les “gènes” des pêcheurs à la mouche Bretons.

C’est cette notion de partage que nous apprécions tant sur Éclosion ?

À toi la parole, Norman.

 

Préambule

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Ce n’est pas un mystère, je suis breton, et ici la noyée a longtemps été la pêche  traditionnelle bien avant la sèche. Les avis que je vais émettre ici n’engagent que moi; vous lirez sous d’autres plumes des avis différents. Je les respecte et les partage parfois.

La noyée est tombée en désuétude avec l’arrivée des méthodes de pêche à la nymphe, en tous cas dans notre région. Souvent elle n’est plus utilisée que lorsque les eaux ne sont pas en état et ne permettent pas de faire autre chose, ou alors par défaut, pour ne pas dire par dépit.

Grave erreur !!

La pratiquer lors d’une éclosion, ou en période d’émergence de mai, enfin quand les conditions sont optimales, ça change la donne !!

Essayons ensemble de pousser la porte de cette technique.

 

Quelques-unes de mes rivières de cœur : le GUIC et L’ÉLORN

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Commençons par le matériel

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La canne :

D’une longueur minimum de 9 pieds (sauf cas exceptionnel en rivières très encombrées), mais en grande rivière une onze pieds pour soie wf de 4/5 sera encore mieux. Cette longueur vous aidera à piloter (c’est bien le mot ) vos dérives.

Une canne souple, semi-parabolique, avec toutefois une réserve de puissance dans le tiers inférieur, sera bien utile en cas de gros poissons, ou pour lever une longueur de soie importante (ce qui n’est d’ailleurs pas souhaitable).

Votre canne devra vous permettre d’arracher entre 5 et 10 pieds de soie et de les replacer sans faux lancers aucun. Nous verrons pourquoi plus loin.

A ce titre je possède une ancienne canne en conolon dont je ne me sépare jamais pour la noyée. C’est une beauté qui n’attire pas la foudre mais qui vous calme un castillon de 4 livres sans sourciller.

 


La soie :

Pour moi c’est simple, celle que j’utilise en sèche me va très bien.

Un point de réglé, mais je vous conseille une wf 5 ,nous verrons plus loin pourquoi.

 


Le bas de ligne :

Je le conseille en mono-filament, à nœuds, avec une base raide (Maxima ,encore lui) et un porte pointe et pointe souples et translucides en 16/100 ème, jamais en dessous et souvent en 18/100. J’adapte une longueur de deux fois la canne, les formules ne manquent pas. Une mini-boucle avant la pointe me permet de repasser en sèche au plus vite au cas où.

Je n’utilise aucun lest à part parfois un léger enroulement de fil de cuivre très fin en sous-corps, rien de plus. Pas de polyleader, je recherche une dérive naturelle de mes mouches. Mes rivières ne sont pas profondes et une mouche qui passe sous 20/30 centimètres d’eau sera toujours détectée par le poisson. S’il ne s’en empare pas, ce n’est que rarement une question de profondeur, plutôt de température de l’eau. Un thermomètre ne devrait d’ailleurs jamais vous quitter.

Pour le fluoro, je vais être tranchant : plus raide et pas si invisible qu’on le dit, je ne l’utilise qu’en réservoir pour des pêches hivernales plus lourdes, mais jamais en rivière. Le principal reproche que lui fais est sa tendance à faire glisser les nœuds du fait de sa dureté.

Reste que vos potences devront être plutôt courtes :  5cms maxi, et raides pour éviter les emmêlages, surtout en cas de vent.

 

Quelques-unes de mes rivières de cœur : le TRIEUX et le LÉGUER

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Les mouches

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On y arrive; je vais simplifier et vous donner mes principes de montage, pour les modèles, ils sont pléthore sur la toile, mais attention le meilleur côtoie le pire.

J’y vois des pallareta qui sont loin d’en être, et des mouches qui ne couleront jamais …

En revanche, et là, je vais faire du chauvinisme breton « et fier de l’être » (je sais c’est facile), j’ai quelques collègues détaillants qui respectent la tradition en montant des modèles très efficaces partout.

Mais ce serait trop facile si les mouches faisaient tout !! Encore faut-il savoir s’en servir !

 

 


Eaux calmes :

Des mouches molles, en fibre de poule, de coq indien, de perdrix, de bécasse, etc…

Seules nos animations leur donneront vie. Un corps en soie de montage ou en micro-chenille, en laine (mes traditionnelles sont montées en laine de mouton teintée), en coton à repriser. Eviter le trop gros coton à canevas séduisant, mais trop gros à mon goût. Je préfère quelques enroulements fins, qu’un seul trop épais. En eaux calmes, les mouches, quelles qu’elles soient, finiront toujours par couler. Elles en ont le temps sur une dérive très lente. La laine passée au moulin à café est formidable et forme un dubbing qui lui, prends bien l’eau.

 


Eaux rapides :

Ici les mouches doivent couler rapidement et ce d’autant plus que le courant est rapide.

Il faut des fibres raides. Plus le courant est vif et plus elles seront perpendiculaires au corps : une quinzaine de fibres de pardo, de limousin, ou de breton (plus confidentiel !), jamais plus, papillonneront dans le courant de façon très vivante. Ça surprend mais c’est là un des secrets des bonnes mouches. Un enroulement de soie de montage, bombé ou pas, 2 tours  de hackle limousin ou quelques fibres de pardo et le tour est joué. Rien de plus.

Il existe une astuce pour dresser des fibres à l’espagnole (je n’ai pas dit pallareta ce qui est différent) : les corps, lors des enroulements, doivent être arrêtés net, droit et perpendiculaire à la hampe de l’hameçon. On peut modifier un étau pour y arriver, ce qui n’empêchera pas cet étau de continuer à servir comme avant.

 

 


Quelques compléments sur les mouches : 

Il ne faut pas compenser les difficultés d’immersion d’une mouche causées par des matériaux hydrophobes par un surlestage. Vous risqueriez de pêcher non plus à la mouche mais a l’enclume et là, fini les belles dérives dans les courants.

Je n’utilise le dubbing que pour faire un petit thorax qui aide à maintenir ma collerette et lui évite de se coucher, rarement pour la totalité du corps (à tort peut être j’en conviens). Je lui préfère de loin la laine qui prend mieux l’eau et qui aide à l’immersion des mouches.

Certains cotons sont aussi très intéressants et peut couteux. Dans le commerce,  les micro-chenilles font aussi très bien l’affaire.

Ces principes de montage sont primordiaux. Des fibres raides en eaux calmes ne vivront pas, ne papillonneront pas. Au même titre que des fibres molles dans un fort courant se coucheront sur le corps sans aucune forme de vie.

 


Les couleurs :

Plus qu’en surface, les salmonidés y regardent à deux fois et sous l’eau les couleurs sont importantes. Je pêche le plus souvent avec des couleurs que l’on trouve dans la nature : le jaune, le brun ,l’olive, le rouge et le vert; rien d’exceptionnel.

Cependant, la couleur du fond de la rivière est un indice. En effet les animaux apprécient le mimétisme.

 

Quelques-unes de mes rivières de cœur : la DORDOGNE et la MARONNE

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L’action de pêche

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Voila le gros morceau du sujet. Vous trouverez bien des modèles de mouches sur la toile, mais très peu de sujets qui traite du pilotage de votre train de mouche.

Car c’est bien de pilotage qu’il s’agit. Frôler une roche ou une souche avec les meilleures chances de succès ne s’improvise pas .

Prenons le cas d’une rivière moyenne, largeur 10m, profondeur de 0,50 à 1 mètre.

D’abord ne jamais lancer plein aval. Vos mouches ne feraient que draguer en bout de ligne. Lancer trois quart aval, mais le plus souvent en plein travers. Plus vous poserez en travers, plus votre train de mouche aura le temps de couler et de croiser des poissons.

 

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Après le poser, il convient de faire un mending tout de suite vers l’amont. Vous serez aidé en cela par votre soie WF. Le fuseau ne décollera pas tandis que le running-line vous fera une belle courbe amont. Vos mouches n’ont pas eu de mouvements brusques qui caleraient les poissons. Elles commencent à dériver en tête de l’attelage sans draguer. En aucun cas elles doivent être à la remorque de la soie, ce qui les ferait remonter et draguer sous la surface. Elles doivent dériver librement dans les veines de courant.

Une succession de mendings et de repositionnements de la soie vous permettra d’obtenir des dérives optimales.

 

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L’inclinaison de la canne est importante. Tenue à 45°, son orientation latérale guidera votre soie dans les meilleures conditions, permettant d’accélérer ou de ralentir votre montage. Et c’est en cela qu’il s’agit de pilotage. Ralentir une dérive devant un poste, s’il est habité, est souvent gage de succès. Une légère retenue suivi d’un relâcher provoque un réflexe d’attaque chez le poisson. J’ai dit légère !!

Les meilleurs pêcheurs en noyée arrivent à tenir le contact avec leur montage sans brider la dérive, allant jusqu’à sentir le comportement des mouches dans leur main.

En grande rivière, fixez-vous une longueur de soie. Ne la changez pas et coincez-la sous votre doigt, la main gauche dans le dos. Les faux lancers sont inutiles. Ils sèchent les mouches, alertent les poissons et créent des perruques. Sans compter que le temps passé en l’air est du temps perdu en pêche. On peut être de nature rêveuse mais on ne prendra jamais un poisson dans les nuages.

« bénissez » la rivière en avançant d’un pas vers l’aval à chaque poser. Votre attention doit être soutenue, la moindre distraction peut vous coûter un poisson.

Cette pêche est loin d’être automatique et monotone. Ceux qui le croient se trompent. À mon sens, elle est plus accessible que la nymphe, mais mérite d’être pratiquée avec application pour réussir.

Pour le reste, il viendra avec une pratique assidue et surtout de la confiance dans la technique.

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Ici en Bretagne, la noyée était la pratique de base dans nos campagnes. Un bout de laine d’un vieux pull, une plume du coq qui traînait dans la cour en manifestant bruyamment son désaccord et la mouche était montée entre les doigts, en deux temps trois mouvements. Tout cela  le plus souvent entre des mains «d’étrangleur» endurcies par les rudes tâches de l’époque.

Il en était de même pour les mouches à saumon. Pas de fioritures mais de l’efficacité, et surtout peu de moyens à l’époque : une canne en frêne, du crin de cheval et voguent les mouches !

Notez bien mes amis que la pêche de la truite en noyée est le meilleur tremplin pour vous diriger ensuite vers la pêche des migrateurs (saumons, truites de mer etc).

Il est difficile dans un article de vous résumer une technique complète. J’espère que les principes que j’ai évoqués vous aideront à mettre en œuvre cette pratique hors du temps. La pêche en noyée, technique “expansive”,vous fera battre beaucoup de terrain mais elle demeure, sur une rivière inconnue de vous, la meilleure méthode de vous rendre compte du peuplement de ce cours d’eau.

 


Bien halieutiquement.

Norman (Avril 2022)

 

PS : au sujet de la mouche noyée, à noter également cet échange sur notre forum :

 ICI

 

Jolies bretonnes prises à la mouche noyée

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